08/06/08

Poetas

"Le lac de Nino: les pelouses andines", foto de Fabrice Milochau


"Violences"

La lanterne s'allumait. Aussitôt une cour de
prison l'étreignait. Des pêcheurs d'anguilles
venaient là fouiller de leur fer les rares herbes
dans l'espoir d'extraire de quoi amorcer leurs
lignes. Toute la pègre des écumes se mettait
à l'abri du besoin dans ce lieu. Et chaque nuit
le même manège se répétait dont j'étais le
témoin sans nom et la victime. J'optai pour
l'obscurité et la réclusion.
Étoile du destiné. J'entr'ouvre la porte du
jardin des morts. Des fleurs serviles se recueillent.
Compagnes de l'homme. Oreilles du Créateur.

René Char de "Seuls demeurent" (1938-1944),
In "Fureur et Mystère", Poésie/Gallimard, Paris, 1967