20/12/10

"... qu'il voulait, pour eux deux, une relation de contiguité, d'appartenance, non de propriété."


Jour après jour, envers et contre le malaise de l'éloignement, leur relation s'ajustait et, paradoxalement, atteignait à de nouveaux équilibres. Vint alors sous sa plume, dans une de ses lettres, la fameuse petite phrase, bien moins qu'une phrase en réalité, trois petits mots dont pourtant la signification apparut à Leo aussi déliée et suffisante qu'un concept bien élaboré: " chambre à part". Et il expliqua à Thomas qu'il voulait, pour eux deux, une relation de contiguité, d'appartenance, non de propriété. Il voulait vivre seul, tout en pensant à lui comme à l'amant de prédilection, au bien-aimé des éternelles fiançailles. Qu'ils n'avaient rien à redouter de leur solitude, qu'elle était à vivre au contraire comme le fruit le plus achevé de leur amour, parce qu'au fond, jusque dans la séparation, ils s'appartenaient et ne cessaient de s'aimer. Que, chaque année, ils passeraient le printemps et l'été ensemble à voyager tandis que l'hiver, chacun travaillerait à ses propres projects. Que c'était un choix difficile, et surtout singulier, mais qu'en son coeur Leo ne s'en sentait pas de faire autrement. Qu'enfin, s'ils faisaient "chambre à part", il lui resterait fidèle jusqu'à la mort.
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Pier Vittorio Tondelli in "Chambres séparées", Éditions du Seuil, Paris, 1992,
pp 194 - 195 (Tradução do italiano para o francês: Nicole Sels).
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