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16/04/12

" C'est un jeu dangereux parce que quelqu'un perd obligatoirement. "

( A segunda parte deste romance de Besson, que foi, aliás, a sua primeira obra obtendo de imediato o Prémio da Academia Goncourt, é toda ela epistolar. No final da presente carta Proust fala a Vincent do seu amigo Alfred Agostinelli, cuja morte prematura num acidente de aviação traria ao romancista um dos seus maiores desgostos, que o levaria mesmo a amparar até ao fim a viúva desse seu preferido.
 Besson é hoje um dos grandes romancistas da sua geração, traduzido para cerca de duas dezenas de línguas, adaptado ao cinema, publica também nalgumas das melhores Editoras europeias.)

  Je crois en effet - pardonnez-moi - que l'amour est nécessairement la cause de souffrances.
  Apprenez que l'autre est, avant tout, celui qui nous fait ou fera souffrir car il se dérobe toujours à nous, tôt ou tard, franchement ou par des voies détournées, consciemment ou inconsciemment, totalement ou partiellement. Oui, toujours il se dérobe et nous nous trouvons dans l'impossibilité de le posséder intièrement. Posséder: le vilain mot, n'est-ce pas? Je vous entend d'ici. Et, pourtant, l'amour est, qu'on le souhaite ou non, une affaire de possession à la fin des fins. M'aimes-tu? En aimes-tu un autre que moi?
  Pis: c'est précisément parce que l'autre se dérobe qu'on l'aime davantage. C'est l'obstacle qui nourrit la passion, qui la cristallise. C'est la difficulté. C'est cette nécessité permanente de séduire, de convaincre, de garder près de soi, d'empêcher de partir qui est l'aliment de l'amour. Ainsi, nous sommes dans un cercle vicieux, perdant forcément alors que nous croyions l'emporter, vaincu au final parce que nous ne pouvions pas gagner. L'amour génère sa propre destruction.
  Je veux vous dire également que, lorsque je déclare que ceux qui aiment et ceux qui ont du plaisir ne sont pas les mêmes, je signale simplement que, dans une relation amoureuse, souvent, il en est un qui donne et l'autre qui prend, un qui s'offre et l'autre qui choisit, un qui s'expose et l'autre qui se protège, un qui souffrira et l'autre qui s'en sortira. C'est un jeu cruel parce qu'il est pipé. C'est un jeu dangereux parce que quelqu'un perd obligatoirement.
  (...) Vincent, vous avez seize ans et j'en ai quarante-cinq. De nous deux, je suis celui qui sait. De nous deux, vous êtes celui qui a raison. On a toujours raison quand on a seize ans. Ce qu'on croit à l'âge de seize ans, peu importe que cela soit ou non la vérité. Ce que l'on croit à l'âge de seize ans est plus fort que toute vérité.
  (...) Et ce n'est pas assez de dire que je l'aimais, je l'adorais. Et pourtant, je ne pourrais vous affirmer avec certitude que l'affection dont j'étais l'objet était réellement sincère car il s'y mêlait une part non négligeable d'intérêt et il m'a fallu, en bien des occasions, supporter les affres d'une jalousie épuisante alimentée par sa frivolité, son inconstance, sa cruauté parfois. Voilà bien une pauvre histoire, n'est-ce pas? C'est celle de ma vie.
  (...) Écrivez-moi, mon cher petit.

    Besson, Philippe. En l'absence des hommes. Paris: Éditions Julliard, 2001, pp 164 - 166.
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15/04/12

" Bien sûr, je sais qu'il ne faut pas forcer l'écriture... "

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( Diálogo entre Marcel Proust e o adolescente Vincent )

 Écrire exige un engagement exclusif. On ne peut rien faire d'autre que cela: écrire. On ne doit être distrait par rien. On doit se consacrer entièrement au livre, lui sacrifier tout le reste. C'est un sacerdoce, une entrée en religion. Savez-vous que même lorsque je n'écris pas, j'écris tout de même? Le temps de la contemplation, celui de l'observation, celui de la mondanité, celui de l'oisiveté sont des temps qui servent l'écriture. (...) La vie dans son entièreté est dédiée à l'écriture. Je ne vis que pour l'écriture. C'est impossible de faire autrement. Et cette nécessité devient encore plus aigue quand on sent, comme moi, le terme de sa vie se rapprocher à grands pas. Il me faut finir ces livres auxquels je me consacre. Comprenez qu'il n'y a rien de plus important que de finir ces livres. J'espère qu'il me sera laissé suffisamment de temps. J'écris dans l'urgence, dans la fébrilité, dans la terreur (...)
 Écrire est le sens que je donne à mon existence. Mon existence disparaît derrière l'écriture. Ou encore je pourrais vous dire: si je n'écrivais pas, je crois bien que je serais mort.

 Il y a vos mots qui réssonnent dans l'air vicié de cette chambre d'asthmatique, dans cette atmosphère confinée, étouffante, écrasée d'étroitesse: si je n'écrivais pas, je crois bien que je serais mort. Et, alors, je vous crois. Dans cet espace improbable, dans cette furie de l'écriture, vous cherchez à survivre, à sauver votre peau. Je trouve cela tout à la fois misérable et flamboyant, pathétique et magnifique. Je ressens pour vous une tendre pitié et une intense admiration.

  Vous reprenez: écrire est un travail. Le talent, sans doute, a un peu à voir dans toute cette affaire mais, avant tout, il faut travailler, travailler d'arrache-pied, se donner une discipline de l'effort, des règles. Ainsi moi, vous l'avez compris, quand la nuit vient, je me mets à mon bureau et je fais mes pages d'écriture. J'écris jusqu'à l'épuisement, jusqu'à la victoire sur l'insomnie, ou jusqu'à la défaillance de la main (...).
  Bien sûr, je sais qu'il ne faut pas forcer l'écriture, ne pas se forcer à écrire quand on ne se trouve pas dans des dispositions à le faire. Il faut attendre que cela vienne, que cela soit là. De même, il faudrait ne pas prolonger le moment de l'écriture. Quand on sent que c'est fini, alors c'est fini. Il ne faudrait pas s'entêter. Et, pourtant, je m'entête. Je violente l'écriture. Je la fais venir. Je la pousse à se manifester. Et je repousse sans cesse l'instant où je devrais reposer la plume. Je vous l'ai dit: seul l'épuisement peut stopper mon élan.
(..) Je bâtis une église. C'est cela que je fais. J'élève un monument. (...) Et, dans cette église, on raconte l'histoire d'hommes et de femmes, on communie dans une même ferveur, on s'approche d'une forme d'universalité.

  Besson, Philippe. En l'absence des hommes. Paris: Éditions Julliard, 2001, pp 107 - 109.
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11/01/12

" Je ne saurais pas vous dire pourquoi, mais je l'ai cru. Est-ce que vous comprenez ça? "


( O inspetor Tonello interroga o jovem prostituto Leo Bertina acerca da morte de Luca. No final da obra descobrir-se-á que Luca, carregado de álcool e soníferos, se havia posto a fazer equilibrismo no parapeito de uma das pontes do Arno... Os capítulos que narram o encontro entre Anna e Leo são páginas de Antologia.)
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"Quelle était la nature exacte de tes relations avec Luca Salieri?" La question est nette, pas emberlificotée, elle vise à l'essentiel, elle est formulée de manière ouverte, à la fois por ne braquer et dans le but de recueillir le maximum d'informations. Tonello, à sa façon, est un professionnel.
"Il venait me rejoindre de temps en temps à l'hôtel Solferino, là où j'habite." Ne pas se livrer d'un coup, s'en tenir au basique pour le moment, aux faits vérifiables, ne pas l'amener là où il s'égarerait.
"C'était un client? Un client régulier?" Nous sommes dans des cases. Nous avons des emplois. Pour Tonello, je fais la pute, rien d'autre. Je n'ai pas d'autre utilité, d'autre fonction. Ceux qui me côtoient le font obligatoirement pour des raisons professionnelles. Du reste, si je me trouve face à lui aujoud'hui, c'est uniquement parce qu'il est policier (...).
"Non." Voilà. C'est ça, le grain de sable dans cette mécanique parfaitement huilée, la tache sur cette page blanche où l'histoire ne demandait qu'à s'écrire en lettres rondes et simples et prévisibles, l'incongruité dans notre monde qui tourne tellement rond. La surprise se lit sur la face triste de mon interlocuteur (..). Il est désappointé, presque déçu. Tonello ne peut pas concevoir que je dis la vérité. Ce malentendu fondamental nous sépare absolument (...)
"Je ne suis pas sûr de saisir. Luca Salieri venait te rejoindre dans ta chambre d'hôtel et tu soutiens qu'il ne payait pas tes services?" (...) L'inspecteur Tonello a besoin que mes explications entrent dans ses cases.
"C'est ça. Vous avez bien saisi." Utiliser son vocabulaire. Et le renvoyer dans ses buts. Prendre le risque de l'énerver.
"Tu peux me raconter alors ce qu'il venait fabriquer dans ta chambre?" Pouvoir, peut-être, mais vouloir? mais devoir?
"Un jour, il s'est présenté devant moi, à Santa Maria Novella, à la gare. Il a dit qu'il s'appelait Luca Salieri. Je ne l'avais jamais vu avant. J'ai supposé qu'il voulait coucher avec moi. Ce n'était pas mon bon jour: je l'ai presque insulté. Lui, n'a pas bronché. À la fin, il a prétendu que nous pourrions être frères. Je l'ai cru. Je ne saurais pas vous dire pourquoi, mais je l'ai cru. Est-ce que vous comprenez ça?
- Non. Pour moi, c'est du charabia. (...) Vous couchiez ensemble, oui ou non?" Être binaire. Fermer le jeu. Tonello a du métier.
"Si la question se pose seulement comme ça, alors la réponse est oui." Sur son visage, soudain, le soulagement du policier qui vient de recueillir un aveu (...).
"Tu vois: on progresse. Et donc la nuit de sa mort, vous l'avez passée ensemble?
- La nuit du vendredi, on l'a passée ensemble. Je ne sais pas si c'est la nuit de sa mort. Je ne sais pas quand il est mort.
- Cette nuit-là, justement.
- Vous me l'apprenez.
- Ça n'a pas l'air de te surprendre.
- C'est sa mort qui m'a surpris. Le reste, c'est accessoire.

  Philippe Besson in " Un garçon d'Italie ", Éditions Julliard, Paris, 2003, pp 145 - 156.
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10/01/12

"Aquilo que conta é sabermos. Pouco importa se ficamos devastados com o que nos dizem. "

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( Monólogo de Anna após a estranha morte de Luca, seu amante )

Je ne réussis pas à eloigner le doute, à empêcher le questionnement. Je le voudrais, juste pour tenir bon encore, mais rien n'y fait. Les interrogations les plus diverses, et les plus farfelues, m'assaillent, comme une armée qui accumulerait les coups de boutoir contre les murs d'une citadelle.
Les questions sont une gêne, presque toujours. Seules les réponses, et de préférence les plus tranchées, assurent la tranquilité.
Ce qui compte, c'est de savoir. Peu importe que nous soyons dévasté par ce que nous allons apprendre. Tout vaut mieux qu'une ambiguité, une obscurité.
Je suis même disposée à accueillir des mensonges, porvu que je puisse les croire. Du reste, entre les vérités accablantes et les fables parfaites, je ne choisis pas: les deux me vont car aucune ne me plonge dans les affres de l'incertitude. L'insupportable, toujours, c'est l'entre-deus, la zone grise.(...) Pouquoi n'y a-t-il pas seulement des innocents et des coupables, seulement des héros et des salauds? Pourquoi faut-il qu'on nous inflige des nuances, des dégradés?
Il me semble qu'on m'envoie une épreuve et qu'elle pourrait rapidement tourner au supplice, au cauchemar.
Cette torture me prive du sommeil. (...) Aux premières heures de la matinée, je me rends au commissariat afin d'obtenir une entrevue avec les policiers chargés de l'enquête (...)
À neuf heures trente, un homme se présente à moi: l'inspecteur Tonello me prie de le suivre. (...) Lorsque je lui précise le but de ma visite, il se referme. Les résultats de l'autopsie sont communiqués exclusivement à la famille. Et il revient à la famille de décider comment elle entend en disposer. Lui n'est pas habilité à delivrer ce genre d'informations.

 Philippe Besson in " Un garçon d'Italie ", Éditions Julliard, Paris, 2003, pp 83 - 86.
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