11/01/12

" Je ne saurais pas vous dire pourquoi, mais je l'ai cru. Est-ce que vous comprenez ça? "


( O inspetor Tonello interroga o jovem prostituto Leo Bertina acerca da morte de Luca. No final da obra descobrir-se-á que Luca, carregado de álcool e soníferos, se havia posto a fazer equilibrismo no parapeito de uma das pontes do Arno... Os capítulos que narram o encontro entre Anna e Leo são páginas de Antologia.)
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"Quelle était la nature exacte de tes relations avec Luca Salieri?" La question est nette, pas emberlificotée, elle vise à l'essentiel, elle est formulée de manière ouverte, à la fois por ne braquer et dans le but de recueillir le maximum d'informations. Tonello, à sa façon, est un professionnel.
"Il venait me rejoindre de temps en temps à l'hôtel Solferino, là où j'habite." Ne pas se livrer d'un coup, s'en tenir au basique pour le moment, aux faits vérifiables, ne pas l'amener là où il s'égarerait.
"C'était un client? Un client régulier?" Nous sommes dans des cases. Nous avons des emplois. Pour Tonello, je fais la pute, rien d'autre. Je n'ai pas d'autre utilité, d'autre fonction. Ceux qui me côtoient le font obligatoirement pour des raisons professionnelles. Du reste, si je me trouve face à lui aujoud'hui, c'est uniquement parce qu'il est policier (...).
"Non." Voilà. C'est ça, le grain de sable dans cette mécanique parfaitement huilée, la tache sur cette page blanche où l'histoire ne demandait qu'à s'écrire en lettres rondes et simples et prévisibles, l'incongruité dans notre monde qui tourne tellement rond. La surprise se lit sur la face triste de mon interlocuteur (..). Il est désappointé, presque déçu. Tonello ne peut pas concevoir que je dis la vérité. Ce malentendu fondamental nous sépare absolument (...)
"Je ne suis pas sûr de saisir. Luca Salieri venait te rejoindre dans ta chambre d'hôtel et tu soutiens qu'il ne payait pas tes services?" (...) L'inspecteur Tonello a besoin que mes explications entrent dans ses cases.
"C'est ça. Vous avez bien saisi." Utiliser son vocabulaire. Et le renvoyer dans ses buts. Prendre le risque de l'énerver.
"Tu peux me raconter alors ce qu'il venait fabriquer dans ta chambre?" Pouvoir, peut-être, mais vouloir? mais devoir?
"Un jour, il s'est présenté devant moi, à Santa Maria Novella, à la gare. Il a dit qu'il s'appelait Luca Salieri. Je ne l'avais jamais vu avant. J'ai supposé qu'il voulait coucher avec moi. Ce n'était pas mon bon jour: je l'ai presque insulté. Lui, n'a pas bronché. À la fin, il a prétendu que nous pourrions être frères. Je l'ai cru. Je ne saurais pas vous dire pourquoi, mais je l'ai cru. Est-ce que vous comprenez ça?
- Non. Pour moi, c'est du charabia. (...) Vous couchiez ensemble, oui ou non?" Être binaire. Fermer le jeu. Tonello a du métier.
"Si la question se pose seulement comme ça, alors la réponse est oui." Sur son visage, soudain, le soulagement du policier qui vient de recueillir un aveu (...).
"Tu vois: on progresse. Et donc la nuit de sa mort, vous l'avez passée ensemble?
- La nuit du vendredi, on l'a passée ensemble. Je ne sais pas si c'est la nuit de sa mort. Je ne sais pas quand il est mort.
- Cette nuit-là, justement.
- Vous me l'apprenez.
- Ça n'a pas l'air de te surprendre.
- C'est sa mort qui m'a surpris. Le reste, c'est accessoire.

  Philippe Besson in " Un garçon d'Italie ", Éditions Julliard, Paris, 2003, pp 145 - 156.
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